De Louze au Morvan, itinéraire d'un instituteur-poête

Publié le par festibrasseurs52

De Louze au Morvan, itinéraire d'un instituteur-poête

En vacances pour quelques jours dans le Morvan nous en avons profité pour retourner sur les pas de Louis Coiffier, instituteur né en 1888 à Louze et devenu l'un des auteurs de référence du patois Morvandiau. D'un père maçon et d'une mère qui tenait une épicerie dans le village, Louis Coiffier n'était pas destiné à la carrière d'enseignant. C'est son oncle, lui même instituteur qui devait le pousser dans cette voie. Faisant preuve d'abnégation, il réussit à décrocher son diplôme non sans mal. Il exerce dans différents postes en Haute-Marne avant de gagner la Côte-d'Or où il sera notamment enseignant dans différentes communes du secteur d'Arnay-le-Duc et de Liernais. Chose relativement rare à l'époque, il divorce en 1925. Quatre ans plus tard, il épouse Germaine Guyot, une jeune veuve originaire de Corancy, village situé prés de Château-Chinon dans la Nievre. Egalement institutrice, Germaine a un fils de six ans qui sera adopté par Louis. Une fille, Colette, naîtra de l'union de Germaine et de Louis.

Passionné par les paysages, le patrimoine et les gens du Morvan, Louis écrira plusieurs ouvrages sur cette région verdoyante et valonnée. On lui connaît notamment "Morvan terre d'amour" et "Histoires de chez nous". Il écrit de nombreuses chansons qui pour la plupart sont restées inédites et des poêmes qui font la part belle au patois du pays. Il écrit également "Notre coeur saignant" à la mémoire de son fils Jean qui fut fusillé en 1944 à l'âge de 20 ans avec quatre autres de ses camarades normaliens. 

Louis Coiffier décéde en 1950 après avoir terminé sa carrière d'instituteur à Villy-en-Auxois. Selon sa volonté, il est enterré dans le cimetière du village de Corancy. On peut notamment lire cet épitaphe sur sa pirre tombale: "Le poête a laissé son verre! Exaucez-là son voeu: Quelques fleurs et deux pieds de terre. Le poête est content de peu". Louis Coiffier est également l'auteur de "Au pays des Vignes", poésies bourguignonnes. Prix littéraire de la ville de Dijon en 1932. Les textes de Louis Coiffier sont aujourd'hui étudiés et servent de fil directeur lors d'ateliers destinés à transmettre et à sauvegarder la langue oral locale. 

 

Extrait d'un de ses poêmes paru dans un livret que lui a consacré la commune de Villy-en-Auxois

Nos morts vous parlent (1er Novembre 1944)
Nous, les morts de Verdun, d'Ypres et de la Marne.
Nous avons tous frémi dans nos obscurs tombeaux
Quand le canon tonna, avant qu'il ne s’acharne sur nos calmes cités, nos
paisibles hameaux
Car nous étions tombés pourtant dans la mêlée
Afin que nos drapeaux, dans le vent triomphant
Claquent fier et joyeux sur les douces allées
Où joueraient dans la paix, tous nos petits enfants
Vous avez cru Français, à la Paix éternelle
À la douceur de vivre, à la Fraternité
Mais vous ne saviez pas que la guerre cruelle
Depuis toujours pourchasse, sans fin l'humanité
L’Europe à cru mourir, et tout humble village
À vu le ciel s'ouvrir, et les champs pleins de trous.
Nos fils sont comme nous tombés sous la mitraille
Car leurs fusils brisés s'échappaient de leurs mains.
Et la France trahie, allait à la bataille
Sans armes, sans la foi qui soutient les humains...

Un autre intitulé "Raibacherie d'veille" en patois morvandiau

Ben. oui. j'vous l'dis. i dvros ét' morte. (Ben oui, je vous-le dis je devrais être morte)

Ai quoi qui sart. ai c' t'heure iqui ; (A quoi ça sert que je vive à cette heure)
V n'y vois gatte. y n'seus pus forte. (Je n’y vois plus, je ne suis plus forte)
V n'peux pus quasiment dreumi ! (Je ne peux plus quasiment dormir)
Pourquouè qu'c'ost far' qu'on vint su' tarre (Pourquoi c’est faire qu’on vient sur terre)
Pou' pouégner deur. qu'ment des forçats. (Pour travailler dur comme des forçats)
Avouer des maux. ben d'lai misare. (Avoir du mal et bien de la misère)
Ein tas de niods ou de ch'tits gars! (Un tas de petits et des petits gars)
Ai c' t'heure y n'seus pus qu'ein'ga,ireille ( A cette heure je ne suis plus qu’une guenille)
Ein embairras. ein' prop' ai ran ; (Un embarras, une propre à rien)
V n'ai pus ni gairçon. ni feille. (Je n’ai plus ni garçons, ni fille)
V peus ben m'en ailer la-vant ! (Je peux bien m’en aller là-bas)
la-vant. laivou c' qu'y r' trouerai p'téte (Là-bas, c’est où que je retrouverais peut-être…
Mon hom-me. les nont's que sont pairtis ; (mon homme et les nôtres qui sont partis)
V n'seus pus ran, ran qu'ein' veill' béte ; (Je ne suis plus rien, rien qu’une vielle bête)
Vai ben drouet ai mon Pairaidis 'l (J’ai bien droit a mon Paradis)
V seus sordal' tot qu'ment ein' pièche. (Je suis sourde comme une pioche)
V n'tins pus sus mes queuch'. s'rèment ; (Je ne tiens plus sur mes cuisses)
y m'éteins qu'ment ein' lamp' sans mouéche (Je m’éteins comme une lampe sans mèche)
V n'en peus pus. y n'sart ai ran ! (Je n’en peux plus, je ne sers à rien)

L'ancienne école de Courancy où Louis Coiffier a enseigné.

L'ancienne école de Courancy où Louis Coiffier a enseigné.

Mort en 1950, Louis Coiffier repose à Courancy dans le Morvan.

Mort en 1950, Louis Coiffier repose à Courancy dans le Morvan.

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